Retraite et vieillissement de la population mondiale
La population mondiale vieillit : la part des adultes et des personnes âgées augmente et celle des jeunes diminue. Ce phénomène est lié à la diminution de la taille des familles et à l’allongement de la durée de vie. Il est inéluctable, à moins d’un retour à la famille nombreuse d’autrefois. Il touche toute la planète, mais est plus ou moins avancé selon les pays. Dans ceux du Sud, il n’en est souvent qu’à ses débuts, mais devrait prendre une grande importance dans les prochaines décennies. S’y déroulera-t-il comme dans les pays industrialisés du Nord ?
Un phénomène global mais plus ou moins avancé selon les pays
La pyramide des âges de la population mondiale devrait avoir en 2050 la même base qu’aujourd’hui, mais des effectifs d’adultes et de personnes âgées beaucoup plus importants (figure 1). Le nombre de personnes de 65 ans ou plus devrait notamment tripler par rapport à 2000, tandis que la population totale n’augmenterait que d’un tiers et que celle des enfants de moins de cinq ans diminuerait même légèrement (de 5%). Le vieillissement démographique est plus ou moins avancé selon les continents ou les pays, en relation avec leur ancienneté dans la transition démographique (voir encadré).
En Europe et aux États-Unis, qui ont été les premières régions du monde à s’engager dans la transition, le vieillissement est déjà bien entamé comme l’illustre la forme de leur pyramide des âges, et il devrait se poursuivre dans les prochaines décennies.
En Chine (figure 2), le vieillissement démographique a déjà commencé et la pyramide est rétrécie à la base, les jeunes générations étant moins nombreuses que celles d’âge moyen. Mais le haut de la pyramide ne compte encore que peu de personnes âgées. En Inde, la pyramide n’est pas rétrécie à la base même si les effectifs des jeunes générations commencent à se stabiliser.
Le Nigeria a lui une pyramide des âges toujours en forme de « pyramide », avec des générations de plus en plus nombreuses au fur et à mesure qu’on descend l’échelle des âges ; le vieillissement démographique y est encore à venir, mais ce pays connaîtra aussi le phénomène un jour, comme tous les autres en Afrique subsaharienne.
L’âge médian : entre 25 et 43 ans selon les pays
Un indicateur du degré de vieillissement d’une population est son âge médian, âge qui divise la population en deux parties numériquement égales, l’une plus jeune, et l’autre plus âgée. D’après les Nations-Unies, l'âge médian était de 28 ans pour la population mondiale en 2005 [1], ce qui signifie qu’une personne de cet âge avait la moitié de l’humanité plus jeune qu’elle, et l’autre moitié plus âgée. Si l'on compare l’âge médian des différents continents, on constate que c'est en Europe qu'il est le plus élevé (proche de 39 ans en 2005), et en Afrique qu'il est le plus faible en Afrique (19 ans) (figure 3).
Il varie de 15 à 43 ans selon les pays (figure 4). La population du Japon est la plus âgée du monde avec un âge médian de 43 ans en 2005. Celle de la Chine, quoique plus jeune, a une pyramide des âges rétrécie à la base comme au Japon, mais des effectifs moindres dans le haut de la pyramide, ce qui explique que l’âge médian y soit plus faible (33 ans). L’âge médian est encore inférieur de 10 ans en Iran (23 ans en 2005). La population y est particulièrement jeune, mais la pyramide a une base très rétrécie en raison de la chute rapide de la fécondité dans les années 1980 et 1990, qui est passée de 7 enfants en moyenne par femme en 1984 à 2,5 en 1996 et 1,6 en 2012 [3]. L’Ouganda (15 ans d’âge médian) est l’exemple inverse d’un pays dont la population, déjà très jeune, a encore rajeuni récemment. La fécondité reste élevée et la mortalité des enfants est moins forte qu’autrefois, ce qui a encore augmenté leur part dans la population. Mais le vieillissement devrait s’y amorcer lorsque la fécondité se sera engagée nettement à la baisse. La proportion des personnes de 65 ans ou plus (2,6% en 2005), y serait de 3,7% en 2050 d’après les projections moyennes des Nations-Unies. La France (39 ans d’âge médian en 2005) et les États-Unis (36 ans) montrent deux exemples de pyramide cylindrique à la base, sans rétrécissement ni élargissement. Le vieillissement, déjà bien avancé, devrait s’y poursuivre sous l’effet de l’allongement de la vie, mais à un rythme moins rapide que dans beaucoup de pays développés et de pays en développement.
1. Directeur de la recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Anticiper le vieillissement démographique à venir
Dans la plupart des pays du Sud, la chute de la fécondité a fortement réduit la part des jeunes sans que la part des personnes âgées n’ait pour l’instant beaucoup augmenté. La part de la population d’âge actif n’a par conséquent jamais été aussi élevée. En Chine par exemple, la tranche des 20-65 ans, qui ne représentait que 45 % de la population en 1970, a beaucoup augmenté depuis et en représente 65 % en 2012.
Cette situation, qui ne durera que quelques décennies, est une opportunité démographique que les pays du Sud doivent saisir pour se développer économiquement tout en se préparant à une population plus âgée dans le futur. Le moment viendra en effet où ces actifs très nombreux arriveront à la retraite, augmentant considérablement le poids de la population âgée. Certains pays, pour lesquels la fécondité a baissé nettement en dessous du seuil de remplacement des générations, commencent d’ailleurs à réaliser l’ampleur des difficultés à venir et cherchent à relancer leur fécondité.
Les systèmes de retraite des pays du Nord doivent certes évoluer s’ils veulent assurer à leurs seniors de demain des conditions de vie aussi favorables qu’à ceux d’aujourd’hui. Les évolutions étant lentes et les réformes progressives, les changements sont relativement bien supportés, la question des retraites faisant l’objet de débats importants dans la société et d'un assentiment assez général sur les adaptations à réaliser. Le véritable défi se situe dans les pays du Sud en raison du rythme bien plus rapide du vieillissement démographique à venir. La solidarité familiale s’érode dans ces pays sans qu’une solidarité collective sous forme de systèmes de retraite ne soit là pour prendre le relais. Elle reste à inventer si l’on veut éviter que les adultes d’aujourd’hui ne finissent leur vie dans la misère quand ils seront âgés. La question d’une solidarité entre les générations à l’échelle internationale devra sans doute être posée à terme.
La part des 65 ans ou plus devrait doubler en 20 à 30 ans dans les pays du Sud
Un indicateur de la vitesse du vieillissement démographique est le temps qu’a mis ou que mettra la proportion des personnes de 65 ans ou plus pour doubler dans une population, et passer par exemple de 7 % à 14 %. En France, premier pays à connaître le vieillissement, ce doublement a mis plus de cent ans (entre 1865 et 1979), alors qu’en Chine, il se sera probablement effectué en seulement 25 ans (entre 2001 et 2026) [5] (figure 5). La transition démographique à l’origine du vieillissement y a en effet été beaucoup plus rapide.
Il a fallu seulement 40 ans en Chine pour que la mortalité infantile passe de 200 ‰ à 30 ‰ (de 1950 à 1990), alors que la même diminution a pris plus de 150 ans en France (de 1800 à 1958). Il a fallu seulement 12 ans en Chine pour que la fécondité baisse de moitié, passant de 5 à 2,5 enfants par femme (de 1972 à 1984), alors que la même évolution a pris un siècle et demi en France (de 1760 à 1910). Le même phénomène de vieillissement rapide est en germe dans l’ensemble des pays du Sud pour les mêmes raisons, certains devant le connaître encore plus rapidement que la Chine : l’Iran, où la proportion des 65 ans ou plus devrait passer de 7 % à 14 % en 20 ans, le Vietnam et la Syrie, où elle devrait le faire en 17 ans.
Le vieillissement démographique : définition et causes
On parle de vieillissement des populations, ou vieillissement démographique, lorsque la proportion de personnes âgées augmente dans une population. Ce phénomène est à distinct du « vieillissement » tout court, propre à un individu, et qui se manifeste au fur et à mesure de l'avancée en âge. Le vieillissement démographique est lié à la diminution de la fécondité et à l’allongement de la durée de vie, phénomènes que toutes les régions du monde ont connu ou sont en train de connaître.
Dans le régime démographique qui prévalait autrefois, la fécondité était élevée – autour de six enfants en moyenne par femme – et la mortalité aussi. Il naissait beaucoup d’enfants, mais la majorité d’entre eux mourait avant d’atteindre l’âge adulte – 6 sur 10 n’atteignaient pas 20 ans dans la France du milieu du XVIIIe siècle. La mortalité a baissé depuis, grâce aux progrès de l’hygiène et de la médecine et au développement économique, et les couples se sont mis à limiter les naissances. Ces changements, qui constituent la transition démographique, portent en germe un nouveau régime démographique, avec une fécondité basse – deux enfants en moyenne par femme dans la France du début du XXIe siècle – et une mortalité également basse – seule une personne sur 100 meurt aujourd’hui avant l’âge de 20 ans.
Dans les deux régimes démographiques, les naissances et les décès sont à peu près équilibrés et la population n’augmente pas ou augmente lentement. Les deux régimes se distinguent cependant par des répartitions par âge très différentes. Le régime ancien s’accompagnait d’une population très jeune : près de 44% de la population avait moins de 20 ans, et 6% seulement 60 ans ou plus. Le nouveau régime démographique, à supposer qu’il perdure suffisamment longtemps, conduit à terme à une répartition par âge moins jeune (25% de moins de 20 ans, et 25% de 60 ans ou plus). Le vieillissement démographique peut cependant encore se poursuivre si la durée de vie continue de s’allonger. La pyramide des âges garde alors la même base tout en gagnant en hauteur par l’ajout d’« étages supplémentaires ». Le vieillissement peut aussi s’accentuer si la fécondité, au lieu de se stabiliser à deux enfants en moyenne par femme (le niveau qui assure le remplacement des générations à terme) diminue en dessous de ce seuil. Les naissances sont alors d’année en année moins nombreuses, et la population, qui diminue, est encore plus âgée. À noter que l’appellation de « pyramide des âges », qui s’explique par l’allure qu’ont longtemps eu ces graphiques, ne se justifie plus aujourd’hui. Son usage risque pourtant de se prolonger pour désigner des formes qu’il serait plus juste d’appeler « cylindre des âges », ou même « toupie » lorsque la base de la pyramide est rétrécie.
Pour en savoir plus, visionnez l’animation « La pyramide des âges. De la pyramide à la toupie » et « le simulateur de population » sur le site internet de l’INED (www.ined.fr, rubrique « Tout savoir sur la population »).
Références
[1] Nations unies - World Population Prospects: the 2010 Revision, 2011 (http://esa.un.org/unpd/wpp/)
[2] Gilles Pison – Le viellissement démographique sera plus rapide au Sud qu’au Nord, Population et sociétés, n° 457, juin 2009, 4 p. (http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/bdd/publication/1468/)
[3] Meimanat Hosseini Chavoshi, Peter McDonald et Mohammad J Abbasi-Shavazi, « Fertility projection in Iran: a new approach to measurement of fertility», Communication au Congrès européen de population, Stockholm, 2012.
[4] Nathalie Blanpain, Olivier Chardon – Projections de population à l’horizon 2060. Insee Première, n° 1320, 2010 (http://www.insee.fr/).
[5] Gilles Pison – Atlas de la population mondiale, Editions Autrement, 2009, 80 p.